jeudi 29 mai 2014

Comment devenir auteur partie 1 : les bases.

Aujourd'hui, j'ai envie de m'attaquer à un poncif, une question incontournable. Ce sera long, donc je prévois une série d'articles (3 ou 4) rédigés avec ma verve habituelle. Si vous arrivez sur cette page par hasard, il y a de fortes chances que vous ayez tapé "comment devenir auteur" dans votre barre de recherche favorite. Dans ce cas, bienvenue sur la Shangrymania.


On devient auteur en écrivant des livres, en les vendant, et, avec beaucoup de chance, un jour on tire le jackpot et on est vendu à 140 000 exemplaires, la France vous aime, PPDA vous fait la bise, les auteurs indépendants qui vendent 3 livres par mois disent que vous êtes un vendu ou que vous avez couché avec votre directrice de collection (opportunité parfois intéressante mais pas toujours), et la Malagré dit du mal de vous (pléonasme).



Mais, la plupart du temps, on écrit un livre et puis...

Auteur débutant en pleine séance de dédicace.
Rien. Le néant. Les exemplaires invendus de votre chef-d'oeuvre incompris publié à grand prix jonchent le sol de vos WC où siffle le vent du dépit. Assis sur le trône tel un roi déchu, l'inspiration en berne, un sourire fané sur vos lèvres flétries par l'alcool, vous vous laissez aller à de sombres pensées, envisageant une reconversion politique dans le Cantal ou un passage dans une émission de real TV, ainsi au moins, la Malagré dira du mal de vous (répétition).

La loose est-elle une fatalité pour le jeune écrivain en herbe ?

Pas forcément. Mais on ne devient pas auteur en un claquement de doigts.

Alors, comme je suis gentil et que j'aime bien donner de bons conseils aux gens, voici en quelques étapes comment devenir un auteur de réputation internationale.



1/ Apprenez à lire.



Je vois d'ici vos yeux arrondis et vos sourires incrédules. C'est pourtant la base, l'enfance de l'art.

Faisons une expérience simple : fermez les yeux et repensez à votre enfance, à vos cours de français (et arrêtez de mater les fesses de votre prof s'il vous plaît). Posez-vous ces questions :

Lisiez-vous les livres recommandés par votre prof ?
Lisiez-vous des livres non recommandés par votre prof ?

Si vous répondez non à une de ces deux questions, vous partez mal.

Le mécanisme d'écriture débute par le mimétisme. Un peu comme quand vous dîtes grabfllooouuu en tentant de prononcer "garou" pour prévenir votre maman qu'un monstre horrible dort sous votre lit ( n'insistez pas, elle ne vous croira pas, vous n'avez que deux ans et en plus elle n'aime pas la bit-lit ).

Croyez-moi, vous pouvez suivre tous les cours d'écriture créative qu'il vous plaira, aller à l'université, acheter une licence de Word ou débaucher votre prof de français à la retraite en échange de quelques fallacieuses promesses (qui varient de la boîte de bonbons jamais achetée à la nuit orgasmique jamais consommée), si vous ne lisez pas, vous n'écrirez pas, ou alors, vous écrirez mal.
Lire peut aussi vous sauver de la connerie, mais c'est un autre débat.

Il ne s'agit pas non plus de lire un livre en diagonale, d'aligner 300 pages par heure pour satisfaire votre ego : engagez-vous à lire un livre jusqu'au bout, à chercher la définition des mots que vous ne comprenez pas. Écoutez la musique des mots, soyez réceptif aux constructions voulues par l'auteur. 

Ainsi, vous allez vous construire un vocabulaire solide et une reconnaissance instinctive de certaines tournures, de certains styles. Vous n'avez pas absolument besoin de savoir ce qu'est un épithète ou un transitif pour bien écrire, et je ne vous parle même pas des formulations substantives.

En revanche, vous avez besoin de pouvoir énoncer une phrase de façon correcte, d'agencer des paragraphes, de traquer vos répétitions, de structurer vos idées, d'emmener votre lecteur là où il est censé se rendre. Et en la matière, aucun professeur ne sera aussi efficace qu'une pile de livres lue consciencieusement. 



2/ Apprenez à écrire.
La bonne pédagogue, c'est important.

C'est une évidence. Vous DEVEZ connaître les règles de base du français, celles apprises en primaire. Mais vous devez aussi faire de la langue française votre outil de travail, quitte à la malmener parfois. Pour cela, il faut savoir l'employer à bon escient.

Si vous pensez arriver, écrire un bouquin et démarcher un éditeur qui vous rendra riche et célèbre pour que la Malagré dise du mal de vous, vous partez mal, car en fait, le vrai boulot d'un auteur, ce n'est pas d'écrire un best-seller, c'est de se rapprocher d'une rédaction optimale de son ouvrage.

On va vous corriger un peu, certes, mais on va surtout vous demander d'apprendre à vous corriger. On vous demandera de réécrire tel ou tel passage en moins de mots, d'accentuer tel ou tel sentiment, de rajouter du lyrisme, du drame, et si vous êtes incapable de le faire, personne ne le fera pour vous.

Ceci n'est pas un auteur. Inutile de vous greffer des seins ou faire le canard.
Oubliez le marché saturé, oubliez les centaines de milliers d'auteurs potentiels, oubliez que pour tout bagage littéraire, vous ne possédez qu'un niveau de français brevet des collèges mention passable. Voilà pourquoi tant de manuscrits sont refusés de nos jours : l'éditeur sait très bien qu'il devra demander à l'auteur de revoir certaines parties de son manuscrit ; et si votre bouquin donne l'impression que vous ne maîtrisez pas la langue française, mais que c'est elle qui vous maîtrise et vous étouffe, il ne se donnera pas la peine de vous aider à tirer le meilleur de votre manuscrit. Perte de temps, perte d'argent.

Vous pouvez écrire une épopée flamboyante, un drame intimiste ou un space opéra galactique avec des hobbits déguisés en Ewoks, c'est la même recette : si vous luttez pour accoucher de vos phrases, si vous vous arrachez les cheveux pour dire que votre héroïne a les yeux bleu parce que ses cheveux sont bleus dans la phrase d'avant, si vous vous préoccupez plus de savoir comment écrire "horreur anthropomorphique gélatineuse" que du moyen effectif de foutre la trouille à votre lecteur, vous aurez beaucoup de mal. Et cela, aucun traitement de texte au monde ne pourra y remédier.

Au théâtre, on dit que pour bien jouer, un acteur doit d'abord apprendre son texte par coeur le plus vite possible, ainsi, il peut gérer ses déplacements, sa diction, ses intentions avec brio. Il sera même capable de rattraper une erreur d'un compagnon de scène, en improvisant. Les plus grands acteurs ne sont pas ceux qui ont la meilleure mémoire, mais bien ceux qui sont capables de donner vie à leur texte, à leur personnage.

Ceci est un auteur du type "à chapeau". Comme Nothomb, mais ça n'écrit pas pareil.
Les règles de base de l'écriture sont votre texte, que vous devez apprendre par coeur, sans souffleur (rôle tenu par votre traitement de texte, mais un bon souffleur n'apparaît jamais sur la scène). Une fois ce texte appris, il ne vous restera qu'à plaquer vos intentions, vos émotions, votre vision, et la magie s'installera. Libéré du poids de l'orthographe et de la grammaire, vous commencerez à bien écrire, parce que cela deviendra naturel. C'est également ainsi que vous pourrez commencer à vous soucier du "style". Le meilleur style d'un auteur est souvent sa façon naturelle d'écrire, affinée à force de pratique et de concision.

Pour pouvoir accrocher le lecteur, il faut qu'il ait une impression de facilité en vous lisant. S'il a le sentiment que vous vous êtes torturé les méninges en lisant "Les yeux myosotis d'Annabelle ressemblaient beaucoup à ses cheveux bleu mais en plus foncés", il décrochera très vite. Alors que si vous devenez capable de produire une phrase comme "Annabelle se décrivait en nuances de bleu, les tons clairs de sa chevelure ondulée contrastant avec l'ombre de ses grands yeux", il vous aimera pour cela. Et encore, pas toujours (certains lecteurs sont difficiles, et on ne peut pas plaire à tout le monde, apprenez cela dés maintenant).

Pour arriver à ce résultat : lisez. Écrivez. Prenez l'habitude de bien écrire même lorsque ce n'est pas requis. Si une formule dans un livre vous plaît, ne la repiquez pas bêtement, mais essayez de la comprendre, et demandez-vous comment vous auriez écrit ce passage avec vos mots à vous. Si vous commentez sur facebook, je ne vous demande pas de vouvoyer tout le monde et de supprimer smileys et LOL (je les utilise fréquemment), mais soignez vos phrases, votre orthographe, votre grammaire. Ne vous découragez pas, nous en sommes tous capables. Certains préconisent d'écrire une heure par jour, je préfère recommander de lire une heure par jour et de s'astreindre à une pratique correcte du français en toute circonstance, même pour envoyer un sms. C'est ainsi que vous en arriverez à vous vilipender intérieurement lorsque vous remarquerez que vous avez écrit "quel nuit nous avons passé LOL" sous la photo de vous en train de vomir dans le caniveau qu'un proche n'aura pas manqué de publier sur facebook, et que vous cliquerez sur l'icône "modifier" pour rectifier votre erreur (et tant que vous y êtes, virez cette personne de vos contacts).

Auteur débutant en transe créative (photo d'un fan)


Bon, je vous laisse digérer et pourquoi pas réagir à tout ça. Dans la prochaine partie nous parlerons de l'imaginaire de l'auteur et de son inspiration. 
  



7 commentaires:

  1. Très bon article ! je partage pour ceux qui ne savent pas... qui ne doutent de rien !

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  2. Bravo Sylvain pour cette mise au point !

    (Et merci Elisabeth, je découvre grâce à toi !)

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  3. Intéressant... Et drôle !
    J'apposerais bien un smiley mais je n'en ai pas trouvé...

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  4. Bel article, amusant en plus d'être intéressant. Mince alors je suis jaloux. :) laule.

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  5. Je viens de voir cet article "auteur de type à chapeau" ! j'adore ;-)
    Lo W.

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  6. Oui, je confirme que c'est drôle et très agreable à lire, en plus d'être assez avisé !

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