vendredi 12 avril 2013

La larme et le sourire.

A fredonner sur "words that we couldn't say".


Ils me hantent à jamais,
Ces mots que je pensais
Et qui nous séparaient.


Parfois encore, une larme au vent,
Sourire usé au fil du temps,
Je cherche ton visage
Ne trouvant que mirages
Par-delà mille virages.


La vie, c'est vrai, n'est pas une tendre,
Mais faudrait-il toujours prétendre ?
Dire de beaux mensonges,
Cacher ce qui nous ronge
Et resserrer nos longes ?


Souvent encore, je pense à toi.
Te détester... je ne peux pas.
Alors je me hais, moi,
Même si tu n'es plus là
Car malgré tout, j'y crois.


Aucun crime et aucune offense,
Pourtant, sous ce mur de silence
J'accepte la sentence,
Le vide de ton absence,
Quêtant ma délivrance.


Un sourire dans le vent,
Une larme au fil du temps.
Oui, j'y croyais vraiment.


La vie c'est vrai, n'est pas une tendre.
Et moi, je ne souhaite plus prétendre.
Je refuse le mensonge.
Oui, j'ai cassé ma longe,
Et je chéris un songe.

jeudi 11 avril 2013

2087 de David Bry.


Il y a un bon moment que cette chronique est due ! J'ai lu 2087 durant l'automne dernier, et j'avais beaucoup aimé le bouquin. Seulement, j'ai un peu oublié de le critiquer, et comme dirait l'autre, j'ai par la suite oublié que j'avais oublié.

Je vous rappelle qu'à la Shangrymania, je ne critique que les bouquins que j'ai appréciés, car je n'aime pas descendre une oeuvre, je suis bien trop conscient du boulot et de l'engagement que représente l'écriture d'un livre.

Ces derniers temps, le bouquin de David Bry reçoit de plus en plus de critiques élogieuses, et je me suis souvenu du bon moment que j'ai passé le nez dans ses lignes.

D'autre part, et ce n'est pas anodin, 2087 est désormais éligible pour le fameux prix Rosny, qui a déjà récompensé Laurent Whale, un auteur que j'ai particulièrement apprécié (voir la spéciale Laurent Whale), et d'autres manieurs de plumes tout aussi talentueux (la liste des récompensés ici). Vous pouvez d'ailleurs aider à élire vos auteurs favoris dans la liste de cette année, la procédure se trouve à cette adresse.

Bon, le bouquin a aussi reçu le prix des lecteurs de la librairie l'Antremonde, ce qui n'est pas rien.


La preuve en images.


Et ouais, c'est pas pour m'envoyer des fleurs, mais à la Shangrymania, tout de même, on a bon goût ! J'avais déjà flairé Thierry Mulot et son "fils déchu" avant que celui-ci ne paraisse, et...

Ces fleurs là ? En plus y a le vase avec.

Enfin bref. Tout ça pour vous dire qu'une critique de 2087 me paraissait couler de source, même si depuis l'auteur a publié ses "contes désenchantés" que vous pouvez commander dans plein de librairies, et si vous êtes trop fainéants pour fouiner dans google, allez, je vous fais péter les liens qui vont bien.

Le bon bouquin que j'ai lu...
Vous pouvez commander 2087 ici.



Et celui que j'ai pas lu.

Vous pouvez commander les contes désenchantés ici.


Cette parenthèse mercantile mise à part, voilà donc le moment que vous attendez tous : la critique de 2087.

La Critique de 2087 par Shangry  !


Bah c'est très bien, achetez le bouquin.

 Fin de

La Critique de 2087 par Shangry  !



Non, allez, revenez ! C'était une blague.

C'était pas drôle ! Hak !


Bienvenue dans le Paris de 2087 !

Enfin, façon de parler. Paname, c'est plus trop ce que c'était. Les élites et ceux qui peuvent se le permettre vivent en hauteur, au-dessus des brumes radioactives. On se rencontre pour se détendre dans des bars à oxygène. On s'envoie en l'air dans des centres de réalité virtuelle, on s'éclate les neurones jusqu'à l'épuisement dans les sensothèques. Les bas-fonds de la ville et la proche banlieue, dont l'on se protège par de hauts murs et un dôme anti-radiations, sont hantés par les mutants et les contaminés, exclus de la société. Une société où le statut social dépend de l'efficacité de votre masque à gaz et de votre combinaison filtrante, en somme... Le bonheur tient à si peu de choses.

C'est dans cet univers glacé et néfaste que Gabriel évolue. C'est un privé, Gabriel, un ancien de l'AdP, l'armée de Paris, qui vivote et survit à la petite semaine. Il est beau, il est grand, il est fort, il...

Non en fait. Gabriel est humain, et un humain normalement constitué, dans une ville comme Paris en 2087, possède fatalement quelques failles. Gabriel est donc sensible, hanté par son passé, bouffé par les pilules qu'il consomme en overdose pour pouvoir grappiller quelques heures de sommeil dans sa chambre de seconde zone... Là encore, c'est la fête !

Un jour, Gabriel se lance sur un coup de tête dans la plus grande affaire de sa modeste vie. Enfin non, pas sur un coup de tête, à cause d'une tête reçue dans une boîte. Si, je vous jure. Comme quoi, en 2087, le spam et les prospectus dans les boîtes aux lettres, c'est plus ce que c'était non plus.

Ce point de départ inattendu va entraîner Gabriel, et par corollaire, toi lecteur, dans une suite d'aventures mouvementées qui révélera un complot d'une ampleur inattendue. Trahison, suspicion, retournements de situations et autres broutilles en -on vont désormais rythmer le quotidien du privé, soudain très populaire auprès de groupes et factions qui eux, ne le sont pas toujours.

Bref, c'est un vrai sac de noeuds où patientent quelques vipères que notre privé va devoir affronter, esquiver, où tromper. Tout cela pour peut-être trouver une vérité qu'il n'espérait plus découvrir...

David Bry surprend par la profondeur, la cohérence et la densité de son univers. On y croit, tout simplement, et c'est là un signe qui ne trompe pas : le signe que David est un grand conteur, quelqu'un qui sait planter son décor et ses personnages, et il le fait de façon originale. A notre époque de poncifs et de déjà-vus, cela fait du bien.

D'ailleurs, en parlant des personnages, là encore, il y a du très bon. On est assez loin des clichés habituels du genre. Ce qui caractérise Gabriel, c'est avant tout une sensibilité à fleur de peau. Dans une ville où tout est aseptisé, artificiel, radioactif, Gabriel nous contamine de son humanité ! On s'identifie à ce personnage car il devient notre radeau, notre sauvegarde dans un univers hostile et impitoyable envers les faibles. D'où la question en filigrane qui revient plusieurs fois dans ce texte : notre propre humanité fait-elle de nous des hommes plus forts ou plus faibles ? Meilleurs ou simplement plus vulnérables face à l'adversité ?

Et si ces questions ne vous tourmentent guère, lisez malgré tout ce bouquin, car le dépaysement y est garanti. C'est de la vraie anticipation comme je les aime, hostile, barbare, glacée, mais qui nous démontre que, même dans le pire des mondes possibles, l'homme demeure libre de ses choix et responsable de ses défaites.

Et cette leçon, même si elle se paie parfois cher, mérite toujours d'être apprise.


 




lundi 8 avril 2013

"Cher moi".

Je parle rarement de mon enfance ou de mon adolescence. Récemment, je me suis aperçu qu'une de mes amies en ignorait tout (et pourtant, je la fréquente depuis plus de deux ans).

Je ne dispose pas non plus de photos de moi jeune. Il serait injuste cependant de dire que je refoule cette période. Elle demeure très présente en moi pour de nombreuses raisons.

On m'a souvent dit que je devrais écrire sur ma jeunesse, mais c'est à mon avis une fausse bonne idée, je le fais donc rarement.

Aussi, lorsque l'autre jour je suis tombé sur un AT nommé "cher moi" organisé par le blog "à partir du néant", qui consistait à envoyer une lettre à celui que j'étais à 16 ans, j'ai hésité à y répondre, même si quelques potes auteurs se ruaient vers la brèche. Ce n'est qu'après y avoir été encouragé que je me suis lancé dans l'aventure. Il y a 3 ou 4 mois, je ne l'aurais sans doute pas fait, et la plupart de mes tentatives, quand vient l'heure de parler de mon passé par écrit, se soldent par un abandon par K.O.

Il y a des mots qui libèrent, mais ce n'est jamais anodin. Je ne pense pas m'être libéré de grand-chose en écrivant cette lettre, j'ai simplement fait "un état des lieux". Là encore, c'est la raison pour laquelle je n'écris pas ou peu sur moi-même.

Après 2 heures de rédaction et de relecture, ma lettre était prête. je l'ai donc envoyée au responsable de l'AT et suis parti me vider la tête et me remplir la panse. A mon retour, Jérémy Semet m'a contacté pour me dire que mon texte était superbement écrit, aucun doute là-dessus, mais qu'il ne pouvait le publier. Trop brutal et sombre. Cela ne m'a guère surpris, c'est précisément la raison pour laquelle je ne publie que rarement sur mon adolescence et mon enfance. Jérémy m'a proposé d'adoucir mon texte, mais j'ai refusé, car la réalité prend rarement des gants quand elle nous berce le long du mur. Dans ce cas, j'aurais pu enjoliver tout le reste, mais en tant que jeune auteur, je passe la majeure partie de mon temps à enjoliver ou à déformer la réalité. Nous avons donc choisi de ne pas publier la lettre dans le cadre d'un AT.

J'ai hésité à la publier sur atramenta, mais non, je n'en avais pas envie. La destination finale de cette lettre ne pouvait être que cet endroit, cette tribune publique. Vous allez donc pouvoir la lire, mais vous voilà prévenus : il ne s'agit pas d'un conte de fées.



"Je sais.

Tu n'es que douleur. Tu en viens souvent à souhaiter en finir, à rêver que tout s'arrête. La vie est devenue un cauchemar que tu ne peux ni esquiver, ni arrêter. Alors, tu te prends tout dans la gueule. les brimades, les moqueries, les coups, les injustices, et tu ne cherches même plus à réagir. Tu es un zombie. Tu ne comprends pas ta vie à court terme. Quand au long terme, c'est une expression qui ne t'est pas destinée. Tu ne t'imagines pas à 20 ans. Tu n'imagines pas survivre jusqu'à 20 ans.

Je sais.

Ils t'ont appris la haine, la pire des haines. Celle qui ne se manifeste pas, qui te bouffe de l'intérieur. Celle qui te donne envie de les voir morts, et qui te rendra indifférent face à la faucheuse quand elle les emportera. Celle qui t'arrachera un grand sourire glacé quand on t' annoncera que leurs cadavres déjà froids ont entamé leurs premières transformations hideuses, tapissant de mousse le fond de leurs gorges autrefois emplies de sarcasmes, figeant leur regard méprisant en boule laiteuse au fond d'une orbite jaunie, raidissant leurs mains en serres griffues, ridées, mortes.

Ils seront morts et toi vivant, et tu t'en réjouiras.

Je sais.

Ils t'ont battu, exclu, violé, souillé, humilié, dominé, sans autre raison que ta différence. Toi, le petit malingre trop intelligent à l'école. Toi, le petit souffre-douleur qui ne faisait pourtant de mal à personne. Toi, la petite chose à qui l'on a mis un sexe dans la bouche en disant « suce ». Eux. Les autres. Le monde. Il serait logique que tu ne pardonnes rien, il serait évident que tu cherches la vengeance, à défaut de la justice. Je sais que tu y penses, je sais car j'étais toi.

Dans dix ans, 2 adolescents américains à peine plus âgés que toi débarqueront dans les couloirs de leur lycée en flinguant tout ce qui bouge, répandant sur leur chemin la haine, le chagrin et le deuil avant de se faire sauter le caisson. Ils seront les précurseurs d'une longue série noire. Tu les condamneras tout en comprenant leurs actes, car en ce moment, tu nourris toi aussi des envies de revanche et de sang, dirigées vers le monde en général et les gens en particulier. Un final sanglant et jubilatoire, une touche d'adieu écarlate qui leur prouvera que tu as existé.

Pourtant, il me faut te dire : sois patient, comme je l'ai été. Espère sans avoir rien à espérer. Tu vas rencontrer quelqu'un -une femme. Elle te réconciliera avec la vie, et tu lui en seras infiniment reconnaissant. Ce sera la première marche d'une longue série qui te permettra de croire de nouveau en l'homme, en toi-même.

Chasse la haine de ta vie, elle est dangereuse. Pour toi d'abord, mais aussi pour les autres. On t'a enseigné que la haine ne connaissait pas de limite dans sa gratuité. Tu emploieras cette voie bien trop facilement si tu t'y risques, car tu seras en terrain connu.

Ouvre-toi aux autres, comme je l'ai fait, et qu'importe si cela te vaut de nombreux coups de poignard dans le dos. Fais-le au plus tôt. Il vaut mieux que ton sang coule que le leur. Ton humanité, celle que l'on t'a arrachée, te sera rendue à ce prix. Je ne peux que te demander de me croire.

Tu croiseras des compagnons de solitude. Tu comprendras assez vite que ce monde oscille constamment à la frontière du tolérable. Parfois, tu seras tenté de comparer leur souffrance aux tiennes. Ne t'y autorise jamais. Il n'est pas de souffrance négligeable. Pense à ta mère qui s'est tranché les veines car on l'a séparée de toi, et même si c'est injuste, rends-toi coupable de cela. Cela te rendra humble. Apprends la compassion et le dévouement. Là encore, c'est ce qui te sauvera, c'est ce qui te rendra meilleur que beaucoup. Deviens fort, même si la douleur te détruira et te remodèlera de nombreuses fois, deviens fort comme je sais parfois l'être.

En retour, j'aimerais te dire « n'espère rien des autres», mais tu as besoin d'espoir. Tu as besoin de croire que quelqu'un, dans ce marasme, comprenne ce que tu es et d'où tu reviens. Comment pourrais-je te l'interdire ? Tu viens de traverser huit années d'enfer, huit années ou l'on t'a enfoncé dans le crâne que tu n'étais rien, que tu ne deviendrais rien, huit années où seuls quelques oasis dans ce désert de peine t'ont permis de survivre. Tu as besoin d'espoir, je sais.

Je sais.

Tu aimeras des femmes qui ne t'aimeront pas. Cela aussi je le sais. Ne leur reproche rien. Là encore, la haine ne doit jamais remplacer l'affection que tu leur portes. Fais-en des amies, trouve-leur des qualités, admets tes défaites, même si cela est dur. Le temps dans cette joute est ton seul allié. Mais là encore, n'ouvre jamais la porte à la haine, ne l'invite pas en toi. Ne rejette pas la vie au motif qu'elle te rejette.

Si tu suis mes conseils, tu deviendras quelqu'un de bien. On te le dira, on le reconnaîtra. On t'utilisera aussi, car les habitants de cet univers ne respectent rien à part eux-mêmes. Ils voient dans leur douleur toute la souffrance du monde. Si quelqu'un peut percevoir et accepter cela, si quelqu'un peut se résoudre à tendre encore la main après se l'être fait trancher, c'est bien toi. Toi qui a tant souffert et ne pourras jamais oublier. Un tel savoir te sera inutile si tu te contentes de chercher les conflits et la vengeance.

Accorde ce que l'on ne t'a jamais accordé durant toute ton enfance : une deuxième chance, l'écoute, l'intérêt, le pardon.

Et puis en ce qui concerne l'écriture : cesse de douter. Un jour, j'ai brulé mes poèmes et détruit mes écrits de jeunesse, remisé ma machine à écrire au placard. Ne commets pas cette erreur. Tu n'as pas à avoir honte de tes mots, ils sont tes meilleurs amis. Eux ne m'ont jamais trahi : ils ne te trahiront pas.

Ne te résigne jamais.

N'oublie jamais.

Ne hais jamais.

Bats-toi pour devenir comme je l'ai fait. Bats-toi pour exister comme je le fais chaque jour.

Tu possèdes une force et une intelligence peu communes pour ton âge, même si tu n'en as pas encore conscience. Il te manque juste une étincelle pour faire sauter le carcan des certitudes où l'on t'a enfermé. Tu n'es ni un monstre, ni un rien. Tu es un tout.

Tu es moi, et crois-le ou non, tu as un avenir.

Je le sais."