mercredi 19 septembre 2012

"Spéciale" Laurent Whale : quand la SF rencontre l'amour des mots.



Dimanche, se déroulait la journée du patrimoine. C'était l'occasion de visiter les monuments français à moindre coût et de se goinfrer de culture pour le mois.

Laurent Whale étant un monument de la littérature d'anticipation et de SF française, je ne doute pas que nos descendants disposeront de deux trois statues à l'effigie de cet auteur. Ce ne serait que justice.

Ah bah oui, soyez prévenus, cet article va être salement enthousiaste et orienté. Parce que voyez-vous, à la Shangrymania, on aime beaucoup Laurent Whale. 

On aime bien Laurent Whale à la Shangrymania : la preuve en images !

J'ai toujours aimé la SF, depuis que j'ai été assez grand pour regarder le plafond étoilé de notre petite boule bleue en me posant la question :

"Est-ce qu'on est vraiment tous seuls ? "

A l'époque, le phénomène Star Wars avait contaminé ma planète, et la France se mettait au diapason. Au début des eighties, la télé regorgeait de séries de SF et d'anticipation : Buck Rogers, Cosmos 1999, Star Trek, il était une fois l'espace, la quatrième dimension... Au cinoche, on découvrait E.T, Terminator, Cocoons, Aliens, 2001 l'odyssée de l'espace... Je me suis donc rapidement intéressé à la littérature d'anticipation. Mes premiers textes, écrits à la main d'une calligraphie empâtée et brouillonne, étaient d'ailleurs dans cette veine. Quand à mon premier roman, il pouvait s'apparenter à du space opéra, et décrivait l'arrivée dans une super base militaire de quatre jeunes recrues qui allaient se retrouver confrontées à un être d'un âge et d'une sagesse insoupçonnée (mais qui cherchait l'amour tout de même, bah oui, j'étais adolescent).

*mode auto-promo ON*
Pourtant, comme le savent certainement ceux qui me lisent, fort peu de mes textes parus à ce jour parlent de citadelles orbitales ou d'aliens belliqueux. Même si Postwar est une tentative de ma part de me rabibocher avec un genre  que j'ai un peu délaissé, c'est le fantastique qui m'inspire avant tout. On pourrait à la rigueur considérer "peines capitales" ou "solitude à crédit" comme des nouvelles d'anticipation. Pour moi, ce sont avant tout des drames humains.
*mode auto-promo OFF*

Revenons à Laurent Whale, c'est quand même lui le sujet de cet article (même si un peu d'auto-promotion ne fait pas de mal). J'ai lu pas mal de SF, suffisamment pour savoir que le genre ne convient pas à tout le monde. Le problème, c'est qu'il est difficile d'écrire de la bonne SF, ou même de définir ce qu'est la bonne SF. D'après wikipédia : 

"La science-fiction est un genre narratif principalement littéraire et cinématographique structuré par des hypothèses sur ce que pourrait être le futur ou ce qu'aurait pu être le présent voire le passé (planètes éloignées, mondes parallèles, uchronieetc.), en partant des connaissances actuelles (scientifiques, technologiques, ethnologiquesetc.). Elle se distingue du fantastique qui inclut une dimension inexplicable et de la fantasy qui fait souvent intervenir la magie."

J'aime bien cette définition, car elle met en exergue les principales difficultés narratives de la SF. Le récit de Science Fiction type exige certaines connaissances technologiques et scientifiques de base, mais il faut réussir à ne pas laisser le lecteur en plan, et surtout à ne pas l'ennuyer. C'est un peu le problème de la "hard science". Quand un bouquin de SF tourne à la thèse d'astro-mécanique, on peut s'attendre à la désertion de certains lecteurs. Bref, un bon auteur de SF devrait posséder un côté Michel Chevalet, pour expliquer à son lecteur les technologies employées de façon simple et intuitive.

Laurent Whale réussit cet exploit haut la main. Que ce soit dans "le chant des psychomorphes" ou "les pilleurs d'âmes", il ne laisse jamais la technologie lui voler le contrôle de son histoire. Mieux, dans "les étoiles s'en balancent", il réussit le tour de force de nous inculquer quelques notions aéronautiques de base, l'air de rien. En la matière, les seuls auteurs que je connaisse capables d'intégrer la technologie à leur histoire sans que celle-ci en soit plombée sont Alastair Reynolds et Peter F. Hamilton.

Le deuxième écueil de la SF, c'est tout simplement l'histoire. Cela paraît évident, mais tous ceux qui comme moi auront bouffé leur dose de SF française cuvée 80 en conviendront : A l'époque, bon nombre d'auteurs semblaient plus intéressés pour nous décrire le protocole de fonctionnement de leur bidule Xy320 que l'androïde 568 devait placre dans le brougzouf à effet de masse, que de nous fournir un vrai récit. Les femmes étaient faciles et les hommes valeureux.

Là encore, Laurent Whale fait très fort. Non seulement l'homme possède un vrai talent de conteur, et manie l'art et la manière de la phrase courte et du mot bien choisi, mais il n'oublie jamais que ses personnages sont des hommes et des femmes, pas des machines sexuelles ou des faire-valoir. Et puis il y a les petites phrases qui font mouche, qui vous emportent dans le récit comme autant d'hameçons de l'imaginaire.

Si je devais définir Laurent Whale en une phrase, je le qualifierais d' "auteur de SF qui privilégie la dimension humaine à la dimension technologique, sans faire l'impasse sur cette dernière".

En effet, il ne fait aucun doute que Laurent Whale se documente solidement. Les pilleurs d'âmes, par exemple, est un régal pour tous les afficionados de la grande période de la flibuste.

Les intrigues de Laurent Whale sont souvent simples, les enjeux évidents. Mais c'est sans compter sur les nombreux petits détours que l'auteur nous impose pour mieux nous faire pénétrer son monde, sa vision du futur. Le procédé fonctionne remarquablement bien, et permet en outre des retournements de situation souvent inattendus, rarement inespérés. Tout est logique, tout est solide. On déambule dans un livre de Laurent Whale comme on se perd dans un palais des glaces, avec délice et jubilation. On voit la fin, elle nous tend les bras, mais on ne sait pas comment on l'atteindra. On 'sen moque, du reste, on s'amuse et on en redemande.

Pour moi il est très clair que ce qui intéresse Laurent Whale, ce n'est pas tant de parvenir à la fin de son histoire pour célébrer un happy end, que de nous livrer un univers clefs en main. Il suffit de lire un de ses livres pour s'en convaincre. Laurent ne nous donne pas uniquement les éléments nécessaires à la compréhension de son histoire, il est généreux et nous livre souvent un second récit en filigrane. Ainsi, dans les pilleurs d'âmes, pendant que nous suivons les pérégrinations d'un héros parachuté dans les années 1660, nous découvrons de temps à autre ce qui se passe de l'autre côté du décor. On pourrait s'en passer, d'autres auteurs se seraient contentés de 3 lignes de dialogue supplémentaires pour expliquer ce qui se passe en coulisses. Mais Laurent Whale nous donne tout, et il se fend donc d'une sous-intrigue parallèle à l'histoire principale. C'est l'apanage des grands rêveurs et des visionnaires que de parvenir à cette communion avec son lecteur, de lui offrir plus que ce qui est compris dans le cahier des charges. Pour moi, Laurent Whale est un rêveur visionnaire, un passionné de science et d'histoire, qui aime donner du plaisir à ses lecteurs. Et ça, forcément, je respecte totalement.

Allez, pour clore cette liste de louanges nécessaires et vous donner envie d'acheter ses bouquins, un petit résumé de 3 oeuvres du grand et beautiful chapeauté Laurent Whale.


"Le chant des psychomorphes".  aux éditions Lokomodo. Zéar est un pilote sans histoire, qui vit dans un monde bien réglé. Le jour où il reçoit le mystérieux message d'un inconnu, sa vie se transforme en une course-poursuite haletante. Mais ce n'est là que le point de départ d'une aventure qui le mènera sur la piste de l'un des plus grands secrets de la voie lactée : le chant des psychomorphes. 
Une aventure menée tambour battant. On est sans cesse balloté entre l'amour, l'humour, la mort. Et il faudra suivre Zéar à travers nombre de péripéties pour enfin découvrir ce qu'est "le chant des psychomorphes". A noter qu'une fois ce secret découvert, on se pose des tas de questions sur ce qui pourrait se passer après cette histoire, Laurent Whale nous renvoyant à notre statut de microbes universels perdus dans une soupe d'étoiles (vous comprendrez quand vous lirez).



"Les pilleurs d'âmes" aux éditions Ad-Astra. Bienvenue en l'année 1666, dans les îles Caraïbes. La flibuste vit son âge d'or. Yoran Le Goff se fait recruter dans les rangs de l'Olonnais. Mais Yoran est bien plus qu'un simple boucanier. Agent gouvernemental anti-Imix sous couverture, il est à la recherche d'un recruteur à la solde d'autres "frères de la côte", plus terribles encore.
Un cocktail inattendu : quand l'univers de la flibuste rencontre celui de l'empire galactique. Une rencontre du troisième type servie comme un roman d'espionnage solidement documenté. Une écriture inspirée, qui emporte le lecteur à travers lagons, batailles maritimes et coups de foudre explosifs. Autant de qualités qui font des "pilleurs d'âmes", MON grand favori de Laurent Whale.





"Les étoiles s'en balancent" aux éditions critic. Bienvenue dans un lendemain qui déchante ! La société est tombée, et du chaos ambiant, quelques survivants tentent de réorganiser un semblant de civilisation. Dans ce contexte sombre, où les villes sont devenues des places fortifiées, Tom Costa est un pilote, le dernier lien entre ces poches de pouvoir aux mains de dirigeants avides de tout. Tom s'en fout, son rêve, sa richesse, réside dans le nom d'une femme : San. Ce quotidien presque ordinaire va être balayé par d'alarmantes rumeurs venues du nord....

Un futur post-apocalyptique sans héros, sans gloire. Des hommes qui survivent, qui luttent pour les miettes d'un pouvoir fragile et les trésors technologiques d'une société tombée dans l'oubli. Et l'amour qui sauve et donne la force de survivre dans cet enfer de larmes, de poussière et de sang. Un récit magistral, un univers inoubliable. Et une fin qui arrive beaucoup trop vite !   

1 commentaire:

  1. Waouh !
    J'en perds mes mots.
    Merci pour ce superbe hommage, je vais encore avoir mal aux chevilles, moi ;-)

    Laurent.

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