mardi 17 juillet 2012

Episode premier : La planète de givre.


A bien y réfléchir, ce monde ne méritait pas le nom de monde. On n'y trouvait ni verdure, ni routes, ni même de ville digne de ce nom. Tout en ce lieu était recouvert par le givre et la neige d'un hiver éternel. La vie elle-même s'était lassée de l'endroit et avait abandonné la planète à la glace et au vent, hurlant de jour comme de nuit sous un ciel bas emplis de nuages moutonneux.

Nul n'avait jamais même songé à baptiser de façon officielle cette petite planète inhospitalière, perdue sur une orbite éloignée d'une étoile bien pâlotte. Ceux qui, par infortune ou par devoir, étaient venus se perdre en cet endroit dénué de tout, le nommaient « glace », « glaçon » ou encore « White hell », à la mode américaine.

White Hell était, dans le jargon des économistes de l'empire, un monde « à faible rendement productif et d'intérêt géoconomique réduit », ce qui situait bien la place de la planète dans l'univers. White Hell était un trou, un trou où l'on venait se terrer avant de disparaître. La planète ne serait jamais terraformée, et les vents de givre balayant la surface aride de ce monde de type G12 avaient encore de beaux jours devant eux.

En 2689, plusieurs experts avaient décrété qu'on ne pouvait décemment bâtir que deux types de bâtiments sur White Hell : des prisons et des centrales de production d'eau potable. On ne s'en était pas privé. C'était le bon vieux temps de l'expansion planétaire, de la ruée vers les étoiles et des nefs colonisatrices géantes. L'homme se lançait à la découverte des cieux et des noires immensités qu'il avait si souvent rêvées, faute de pouvoir les atteindre. Même un trou comme White Hell possédait encore une certaine grâce aux yeux des colons venus bâtir pénitenciers, éoliennes, et convertisseurs glace/eau.

Quelques siècles plus tard, tout cela avait bien changé. L'humanité ne rêvait plus de l'espace, elle avait conquis les étoiles. Un certain pragmatisme avait remplacé le romantisme des premiers voyages subspatiaux, et la grande guerre interstellaire avait failli détruire l'humanité toute entière. White Hell n'intéressait plus l'empire galactique. En revanche, on y trouvait toujours un nombre impressionnant de prisons et de centrales de production d'eau, dont certaines avaient été purement et simplement abandonnées, après la colonisation d'un système planétaire voisin aux atours plus rieurs.

Dans l'une de ces prisons enterrées sous plusieurs mètres de glace, vestiges d'une autre époque, Léon Manuel, un chef maton, surveillait distraitement une rangée de feuillets optiques en songeant que vraiment, la vie était une salope.

lundi 16 juillet 2012

Le destin des morts, de Jean-pierre Favard.

A la Shangrymania, on aime bien les morts.

...

Non, je vous vois venir, il n'est pas question ici de nécrophilie ou de satanisme, et je ne me sens pas d'humeur à profaner la tombe puis le corps défunt d'une jolie femme partie trop tôt. Le célibat explique beaucoup de choses, mais n'excuse pas ce genre de... de ... d'actes. Et puis d'abord vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez. Enfin, je pense.

Non, si je vous dis cela tout de go, c'est que j'ai bien aimé le bouquin de Jean-Pierre Favard, "le destin des morts".








Le destin des morts, c'est un ensemble de récits et de nouvelles, 4 au total, qui partagent le thème "la maison hantée de vos rêves cauchemars".

Avant toute chose, je tiens à préciser que je suis un fanatique de l'émission TAPS (enfin, les premières saisons), que j'ai passé des heures sur internet à googliser "video ghost footage", et que depuis toujours, le sujet de l'après-vie me passionne.

Je fais également partie de ceux qui ont adoré le premier "Blair Witch" et qui ont craché sur "paranormal activity". Intense pouvoir de suggestion et véritable appel à l'imaginaire pour le premier, parodie de film flippant avec une fin rigolote et megamix des trucs qu'on a entendu dire sur les fantômes pour l'autre...

Donc, si comme moi vous êtes disposés à croire aux histoires de fantômes, les vraies, celles qui font vraiment peur, achetez ce bouquin.

...

Bon, si je termine ma critique ici on va me traiter de vendu et de flemmard, alors je vais vous en dire un peu plus.

D'abord, Jean Pierre Favard, il a une plume, une vraie. Il utilise des phrases courtes, un vocabulaire précis sans être abscons. Il sait jouer du rythme de ses phrases pour instiller le sentiment de ses personnages en vous. Il ne cherche pas à vous effrayer en multipliant les excès d'hémoglobine, les actes violents, non, jamais. Il vous met au contraire dans la peau d'un de ses personnages qui vit un truc flippant. Ce n'est pas un hasard si la majeure partie du bouquin utilise ce "je" qui favorise tant l'identification au personnage. Et puis, il suffit de lire les dernières pages de "La deuxième mort de Camille Millien", le gros morceau de ce livre, pour se convaincre d'une chose : Monsieur Favard a du talent même lorsqu'il s'agit de nous décrire une série de sensations à la limite de "l'extra-corporel". Si le personnage se tape un trip, vous vivez ce trip. S'il est perdu, vous êtes perdu avec lui.

L'idée de mixer une histoire de fantôme "classique" avec des éléments de légende traditionnelle n'est certes pas neuve (Graham Masterton, pour ne citer que lui, a bien compris l'intérêt de cette recette), mais sans talent pour équilibrer la recette, le cocktail ne peut pas prendre. Ici, cela prend.... très bien.

Pour avoir écrit "l'appartement des Strauss" (et hop, coup de pub gratuit), je peux vous dire que foutre la trouille à son lecteur, ce n'est pas évident, mais Jean Pierre Favard y réussit avec aise et brio. Il y a dans ses pages suffisamment de puissance évocatrice pour vous convaincre de ce que vous lisez et vous coller un gentil frisson dans le dos, celui de la vraie trouille, de la vraie appréhension. Si vous avez lu, par exemple "un sac d'os" de Stephen King, et que vous avez flippé durant les passages ou l'écrivain solitaire se retrouve seul dans sa cabane au fond des bois, et ben ça y ressemble drôlement.

Bon, au-delà de ça, dans "ghost n'roll baby", l'auteur parvient à dépoussiérer le mythe traditionnel du fantôme, tout en nous faisant passer un message sur les petites nuisances du système capitaliste quand il s'agit de parler d'art... Mais on sent que quelque part, ce n'était pas son but. Moi, monsieur Favard, je vous soupçonne d'avoir simplement voulu nous foutre la trouille. La micro-nouvelle, "l'architecte", placée à la fin du livre, m'a d'ailleurs fait passer de l'anxiété au rire, comme si vous m'aviez dit "bon allez mon pote, tu peux redescendre sur terre maintenant, je t'ai bien fait flipper mais m'en veux pas". Nul doute que certains trouveront "l'architecte" inutile ou déplacé. Moi j'y vois un gros clin d'oeil pour ceux qui vous ont suivi jusqu'au bout dans votre délire ! Une façon de dire "c'est pas fini, à une prochaine fois peut-être..."

Bref, ce bouquin, je sais que je le relirai, comme je prends parfois plaisir à me relire un "Ça" ou un "Désolation" resté sur une étagère depuis quelques années. 

Chapeau bas, monsieur Favard... Et merci pour ce savoureux moment de flippe !