vendredi 30 mai 2014

Comment devenir auteur, partie 2 : inspiration et maîtrise.

Dans l'article précédent nous avons vu que pour devenir auteur il fallait :


(Non je n'y reviendrai pas, c'est vraiment un minimum si vous avez la prétention d'écrire et de vendre un bouquin)

Vous y êtes ? Vous êtes capable de rédiger plusieurs paragraphes sans douter de vous-même et de votre capacité à écrire ? Vous vous référez plus à votre Bescherelle qu'à la touche "correction automatique" de votre traitement de textes ? Vous avez dévoré des milliers et des milliers de pages, percé le mystère des techniques de narration les plus courantes ? Vous vous efforcez de pratiquer un français correct ? Vous avez acquis la passion du langage et l'envie de vous améliorer ?

Attention aux critiques à la dent dure...


Admettons que oui. Vous avez négocié vos premiers virages sur la dure voie de l'auteur. Sans le savoir, vous êtes déjà meilleur que 20 à 30% des auteurs démarchant les maisons d'édition -et j'exagère à peine.

Ca fait tout drôle, hein ?

Passons à l'étape numéro 3.


3/ Trouver son inspiration, maîtriser son écriture.


Une erreur commune chez le jeune auteur est de vouloir se lancer dans la rédaction d'un roman sur son sujet favori afin de le publier. Cela peut être une resucée du Seigneur des anneaux, une saga en dix tomes  de chick-lit comme Milady sait les faire, ou une épopée futuriste à la Star Wars.

A 18 ans, j'avais écrit un roman de space opéra parce que j'étais fan de Star Wars. Plus tard j'ai ébauché un livre en imitant le ton surréaliste adopté par Boris Vian dans "l'écume des jours", bouquin que j'avais adoré. 
 

Ce n'est pas idiot, c'est même légitime. Si vous êtes fan de King, vous voudrez écrire de l'horreur, comme lui. Si vous aimez Pancol, vous nous entretiendrez des déboires extraordinaires d'une femme ordinaire. Il y a juste deux petits problèmes :

1/Sauf si vous êtes vraiment doué, vous n'êtes tout simplement pas de taille à vous atteler à un roman. Pas encore.
2/Vous n'avez pas idée de ce que vous pouvez écrire.

Comprenez-moi bien : je ne dis pas que ce que vous produirez sera nul parce que vous débutez (l'histoire regorge de premiers romans ayant rencontré le succès), mais je dis juste que vous n'avez pas encore effleuré votre potentiel d'écrivain. En fait, à ce niveau, vous ne savez même pas quel type d'écrivain vous êtes.

To be is to do. To do is to be. Do be do be dooo...


Vous êtes encore à la poursuite de votre style, de vos idées. Votre plume se cherche, et tout naturellement, vous pensez que si vous adorez lire du fantastique, vous serez doué pour écrire du fantastique.

Sauf que ce n'est pas vrai. Vous serez sans doute doué pour écrire du fantastique, mais pas que. Ce serait vous brider que vous en convaincre.

C'est une chose étrange que l'esprit humain. Nous fonctionnons par associations d'idées. Nos expériences et notre imaginaire se mêlent constamment dans cette grosse caisse de résonance qu'est notre cerveau. Le résultat sur le papier peut se révéler absolument imprévisible. 

Une idée en entraîne une autre...


Il va vous falloir déterminer ce que vous aimez écrire, et croyez-moi : ce n'est pas toujours facile à trouver, tant à ce stade, nous sommes encore imprégnés par l'exemple de ceux qui nous ont précédés, convaincus de savoir ce que nous voulons exprimer.

Habituez-vous à cette idée, simple mais vraie : Vous n'aurez jamais à raconter l'histoire parfaite, c'est l'histoire qui se livrera à vous, clefs en mains. Vous pouvez travailler avec plan ou sans, être un dilettante de l'écriture ou un forçat de la grammaire, au final, il viendra toujours un moment où vous écrirez quelque chose que vous ne vous attendiez pas à écrire. Et vous serez surpris du résultat, car il vous paraîtra étonnamment bon (à vos lecteurs aussi, si vous en avez déjà) !

Certains auteurs sont doués pour camper les personnages, d'autres possèdent un sens de l'intrigue qu'Hercule Poirot ne renierait pas, d'autres encore n'ont pas leur pareil pour rendre un dialogue vivant ou un univers crédible. La vérité, c'est que chaque auteur digne de ce nom développe sa série de spécialisations, et il devient vraiment agréable de le lire quand il les connaît et qu'il sait comment les exploiter.

En tant qu'apprenti auteur, vous devez découvrir vos points forts et vos points faibles, et les moyens d'en user.


Faîtes-vous vous-même.


Si vous avez beaucoup lu et beaucoup écrit, vous possédez certainement déjà vos petits talents, seulement, vous ne les maîtrisez pas forcément tous.

Alors, il va falloir expérimenter, chercher, et comprendre ce que vous aimez écrire afin d'offrir le meilleur à votre lecteur. Pour cela :

1/Soyez curieux de tout. Ne vous cantonnez pas à vos centres d'intérêt habituels. Parfois, une simple balade sur wikipédia peut fournir la matière de base à une bonne histoire. Nourrissez l'animal de compagnie favori de l'écrivain : son imagination. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, cette bête-là se délecte aussi du réel.

2/ Ne partez pas du principe que parce que vous écrivez de l'horreur, vous n'avez pas à vous soucier de savoir écrire une scène romantique. Ne snobez pas les types de littérature qui ne vous intéressent pas. L'inspiration est partout, mais on la trouve surtout chez les autres.

3/Prenez l'habitude de passer par l'écrit vos idées et vos sentiments. En prose, en poésie, par blog interposé, sur la nappe du restaurant, sur un petit carnet "hello kitty" avec un stylo rose, comme vous voulez. Faîtes communiquer votre muscle de l'écriture, dotez-le d'une voix et d'un timbre qui lui sont propres. Ne vous focalisez pas sur ce qui vous paraît être "l'oeuvre de votre vie", vous réaliserez très vite que cette première histoire que vous souhaitez écrire n'est que la partie émergée d'un immense iceberg. Plus vous écrirez, plus vous allez vous découvrir de talents, et plus cette première "oeuvre" vous semblera indigne de vous. Primaire, pour ainsi dire. Et ce sera souvent vrai.

Certains auteurs sont encombrants.


4/ si vous voulez écrire sur un sujet que vous ne connaissez pas, ne fuyez pas derrière des prétextes : renseignez-vous. L'imagination est un outil puissant, mais il est parfois plus simple de se livrer à des recherches sérieuses. Bernard Hananel, un auteur que je respecte énormément, décrit dans "cartouche Karma" un pays où il n'a jamais mis les pieds. Mais il s'est si bien documenté que cela ne se voit pas. 

Vous n'avez pas envie d'écrire une scène d'amour ? Qui vous y force ? Seulement, si vous voulez devenir auteur, un jour ou l'autre, vous y viendrez. Expérimentez. Pourquoi pas une scène d'amour avec des persos complètement déjantés ? Entièrement dialoguée ? Avec une couleur différente pour chaque paragraphe ? En musique ? Vulgaire ? Ce qui vous plaît, du moment que vous vous amusez à l'écrire, cette foutue scène ou Lilas demande à Tom de la raccompagner dans sa chambre. L'idée est de comprendre comment résoudre vos problèmes de narration, en les faisant plier devant votre plume. Si vous reculez devant une scène parce qu'elle ne correspond pas à votre idée de l'écriture, vous avez perdu. Mais si vous avez suffisamment lu et écrit, vous trouverez toujours un moyen d'affronter ce genre de problème.

Vous avez passé pas mal de temps à apprendre les bases du boulot, vous savez lire et écrire, maintenant, c'est l'heure de la récré, marrez-vous ! Il n'est pas de plus grand bac à sable que l'écriture. En vous amusant à tout interpréter par l'écrit dans le parc de vos bons mots, vous ne créerez sans doute pas de chef-d'oeuvre littéraire, mais vous allez vite déterrer certains trésors qui vous seront très utiles. Avec de la pratique, vous devinerez instinctivement quelle narration adopter, quel rythme convient pour telle scène, parce que vous serez en terrain connu, et vous n'encombrerez plus les forums littéraires de questions atrocement subjectives, telles que :

- Quel temps employer pour ma nouvelle ?
- Quel nom donner à mon personnage central ?
- Pourquoi écrire à la première personne du singulier ?

Ces questions ne sont pas mauvaises en soi, et parfois, elles sont pertinentes. Plus souvent, elles trahissent un auteur qui se cherche encore. La réalité, c'est que votre lecteur, il se fout bien que vous lui racontiez votre histoire au présent ou au passé décomposé, que votre perso s'appelle Aristophane ou Tartempion, qu'il raconte sa propre histoire ou que vous lui prêtiez votre voix. Votre lecteur, il veut lire une bonne histoire, passer un bon moment, voire même réfléchir si vous lui fournissez quelques pistes.

Un bon magicien sait fournir l'illusion que le lapin sort vraiment du chapeau. Votre lecteur ne veut surtout pas voir le trou dans la table avec la cage cachée sous la nappe. Devenez magicien, prenez confiance et mystifiez votre futur lectorat.

Certains auteurs sont plus doués que d'autres...


Pour cela, il faut que vous soyez à l'aise avec votre écriture, et la seule façon d'y parvenir c'est la pratique. Je ne vous empêche pas d'écrire des fanfics sur game of thrones, de rédiger le premier tome de votre saga à mi-chemin entre Harry Potter et 50 shades, ou de coucher sur le papier ce fabuleux roman que vous nourrissez dans votre tête depuis votre adolescence. Mais je vous recommande de ne pas vous ruer vers la publication. Beaucoup ont été dégoutés de l'écriture pour avoir fait preuve de trop d'enthousiasme. Vous ne seriez pas le premier à découvrir que votre fait d'armes littéraire n'intéresse personne d'autre que vous.

Testez-vous, surprenez-vous. Partez en terre inconnue. Il vous reste pas mal de choses à apprendre, mais vous êtes sur le bon chemin.

Pour l'heure, gardez tout ça pour vous et quelques-uns de vos amis peut-être, allez à la rencontre de votre plume. Apprenez à vous connaître en tant qu'écrivain. Ecrivez, écrivez, écrivez encore. Trouvez ce qui vous stimule, quel est le pouls de votre coeur littéraire. Cela peut prendre des années.

Puis, quand vous aurez apprivoisé votre imaginaire et élargi votre horizon, quand vous relirez le premier jet de "Roudoudou chez les papous" en soupirant devant tant de maladresse, vous réaliserez que vous avez bien fait de ne pas chercher la publication à tout prix et vous comprendrez ce que je vous affirme ici aujourd'hui :

Chaque histoire peut être racontée de plusieurs centaines de façons différentes, et aucune de ces méthodes n'est sotte ou déplacée. En revanche, un auteur ne peut conter une histoire que d'une seule façon efficace : la sienne, polie au fil des années par une pratique enthousiaste de l'écriture.

Quand vous en arriverez là, nous pourrons nous concentrer sur l'étape suivante, qui est également mon prochain article : les premiers partages et vos premiers lecteurs.

   
 


4 commentaires:

  1. Merci Sylvain pour cette aide précieuse. Promis, je fais bientôt mes devoirs, lol

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  2. Bon courage sur la voie royale de l'écriture ;)

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  3. Très intéressant, de très bons conseils, mais c'est là que j'aurais introduit l'autre forme d'écrits à laquelle pensent rarement les jeunes auteurs, la nouvelle, mais peut-être l'aborderas-tu plus tard ?
    Mémoire Dutemps

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    1. En fait, la nouvelle n'est qu'un mode d'expression comme un autre à mon sens. Ce qui importe surtout je pense, c'est de ne pas se ruer sur la publication en pensant qu'on tient l'idée du siècle, sans avoir conscience de ses propres possibilités ;)

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