samedi 7 juin 2014

Comment devenir auteur, partie 3 : Premiers textes, premiers lecteurs, premières corrections. (la bêta-lecture)

Dans les précédents chapitres de ce guide "pas à pas" pour devenir auteur, basé sur mon expérience personnelle et celle de pas mal de collègues, nous avons vu qu'il fallait :


Si vous avez respecté ces trois étapes, plusieurs années au bas mot se sont écoulées. Mais vous savez désormais comment "bien" écrire, du moins avez-vous trouvé votre voie, votre équilibre littéraire.

Il n'est pas impossible que durant tout ce temps, vous ayez déjà cédé à la tentation de partager vos textes, par curiosité ou pour satisfaire votre ego. Il n'y a là rien d'anormal, et il vaut mieux se confronter au regard des autres le plus tôt possible, puisque vous cherchez à être lu.

Vous êtes maintenant un auteur au niveau "zéro", un débutant doublé d'un inconnu. Vous avez quelques amis qui vous suivent, ou des personnes qui ont aimé vous lire. C'est un bon début.

Maintenant, il va falloir vous confronter au regard des autres et provoquer les critiques constructives, dans le but de vous améliorer (oui, encore, l'humilité de l'auteur n'est pas un mythe, il faut constamment vous remettre en cause si vous voulez progresser).

4/ La bêta-lecture.

Prenez un de vos textes, ou écrivez-en un nouveau. Il n'a pas besoin d'être long. Relisez-le et corrigez-le. Modifiez-le comme bon vous plaira. Lorsque vous serez satisfait du résultat, rejoignez un site de bêta-lecture (Imperial Dream, Histoires de romans ou Cocyclics par exemple) ou rassemblez une poignée de vos contacts "littéraires". La bêta-lecture consiste à proposer un texte en échange de critiques constructives. C'est une opportunité que le net offre à toute une nouvelle génération d'auteurs, et il serait dommage de vous en priver.

Vous allez recevoir des avis plus ou moins éclairés de personnes plus ou moins compétentes. Parmi ces esprits critiques, vous remarquerez vite que se dégagent certains profils :

L'enthousiaste : Il vous félicite, dit que c'est très bien et... c'est à peu près tout. Son avis n'est pas très utile, mais ça fait du bien au moral. D'après une enquête de la Shangrymania, il ressort que 85% des enthousiastes proviennent du cercle familial ou amical de l'auteur (parfois même, ce sont des animaux de compagnie). Remerciez-le.

Lecteur enthousiaste mais limité dans l'art de la critique constructive.
Le pro : Le pro a roulé sa bosse, il a déjà donné dans l'auto-édition, il a peut-être même été publié par une maison d'éditions. Il est souvent de bon conseil, mais attention : il a déjà développé sa propre opinion sur ce qu'est l'écriture, et celle-ci n'est pas forcément la votre. Tous les auteurs vont dans la même direction par des centaines de chemins différents. Ce qui a pu marcher pour lui ne s'appliquera pas forcément à vous. Remerciez-le, mais prenez du recul.

Le réfléchi : le réfléchi vous parlera sans détour, il vous dira ce qu'il a aimé, ce qu'il n'a pas aimé. Il argumentera et vous aurez sans doute des conversations plaisantes. Remerciez-le et recoupez ses opinions avec celles du pro et de l'académique, vous en dégagerez des lignes de conduite valables.

L'académique : l'académique voue un culte à la langue française, il dort avec un Bescherelle sous son oreiller. Il possède une connaissance impressionnante de la grammaire et de la syntaxe et vous tannera pour que votre texte soit écrit à sa façon, qui est forcément la meilleure, la plus compatible avec sa définition de ce qu'est la langue française. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, beaucoup d'académiques ne sont pas publiés ou publiables : à trop théoriser la langue, ils oublient qu'elle n'est qu'un outil, et leurs magnifiques démonstrations littéraires ont tendance à endormir pas mal de lecteurs, produisant des textes superbement écrits, il est vrai, mais dépourvus d'intérêt pour qui voit en la lecture un simple moment de détente. Certains académiques sont très sympas, d'autres sont de superbes cons un poil snobinards. Remerciez-le pour ses conseils (souvent précieux mais parfois invasifs) et prenez beaucoup de recul.
Académique sympa et atypique.

Le touriste : il s'agit souvent d'un auteur débutant qui s'est lancé beaucoup trop tôt dans l'aventure de la publication, ou qui partage ses premiers jets en étant convaincu que ce sont des oeuvres d'art. Il vous signalera des fautes qui n'en sont pas, proposera de revoir l'histoire de A à Z, ou pire, vous offrira une version modifiée de votre texte. Remerciez-le de son intérêt mais ne vous fiez pas trop à son jugement critique. Au moins, il vous fera sourire et de temps à autre il lâchera un commentaire redoutable de pertinence (13% de chances de looter un avis tier 3 rare ou épique).

L'opportuniste : Alors lui, il vous contactera en MP pour vous proposer un service de corrections, ou carrément un contrat d'éditions mirobolant, pour des sommes dérisoires oscillant souvent entre 200 et 5000 euros. Ne le remerciez pas, dénoncez-le aux modérateurs du forum et envoyez-le chier sa race, putain, merde ! Ne devenez pas, comme tant d'auteurs débutants, la vache à lait de personnes peu scrupuleuses prêtes à se faire du blé sur le talent (ou parfois, malheureusement, l'absence de talent) des autres. Apprenez à vous défendre dés maintenant contre ce genre de rapaces : vous en croiserez beaucoup sur votre chemin.

Sachez reconnaître un opportuniste qui vous salue (en général il ne fournit pas la vaseline).
Le chieur : non seulement le chieur va adorer lire ce que vous lui présenterez, mais il excellera à pointer du doigt la moindre de vos faiblesses, l'incohérence ici, la coquille là, la moindre virgule de travers, l'apostrophe oubliée page 288 ou l'espace installée en lieu et place de l'insécable page 26. En bref : votre ego va en prendre pour son grade. Et croyez-moi, vous en redemanderez, comme le masochiste de base qui sommeille en tout auteur digne de ce nom ! Car si le chieur semble prendre un plaisir jubilatoire à descendre votre oeuvre en flammes et dans la bonne humeur, ses conseils sont pertinents dans 99% des cas. De par mon expérience, les chieurs font les meilleurs bêta-lecteurs, car ils ne pardonnent rien, mais n'exigent rien de vous que votre meilleur ! Les chieurs sont souvent dactylos, auteurs ou travaillent dans le milieu de l'édition. mais il existe des chieurs amateurs, tout à fait aptes à vous pourrir la vie et à vous pousser à de fortes remises en question. Remerciez-le et gardez le contact : un auteur qui s'installe dans la complaisance est un auteur foutu, et le chieur ne sera jamais impressionné par vos 4 000 ventes si chacun de vos 4000 exemplaires possède 8 coquilles et 12 erreurs typographiques (qu'il saura vous rappeler). 

Tous ces avis récoltés ne doivent JAMAIS, mais alors JAMAIS et en AUCUN CAS, être pris au pied de la lettre, appliqués sans synthèse. Si vous vous efforcez d'écouter les uns et les autres et de contenter tout le monde, vous aboutirez à un texte que vous n'auriez jamais pu écrire seul. Il sera peut-être beau, mais il ne vous représentera pas ! Or, le jour où vous finirez par dédicacer "50 bouts de nougat" dans une grande librairie parisienne, c'est bel et bien votre nom qui figurera sur la couverture, pas celui de votre correcteur. C'est vous que votre lecteur souhaitera lire, pas votre voisine de palier qui a jugé que "routes cahoteuses, voire chaotiques" n'était pas une formulation digne d'intérêt. Engagez-vous auprès de vos mots à ne pas les trahir parce qu'un autre en fait la demande (et soyez pas cons, je vous demande pas non plus de revendiquer vos fautes d'orthographe comme preuve de votre style inimitable).

Le noir c'est stylé.

Le but d'une bêta-lecture ne doit jamais être de "corriger" votre texte, mais de "l'améliorer", et de vous aider à comprendre vos erreurs. Vous en apprendrez beaucoup sur vous-même, et vous comprendrez ce qu'on attend de vous, ce que vous savez le mieux faire.

Soyez humble quand on vous reproche une faute d'orthographe ou de grammaire, et n'hésitez pas à vérifier si vous avez un doute. Si c'est une tournure de phrase qui ne plaît pas, réfléchissez au meilleur moyen d'exprimer ce qui doit rester VOTRE idée. Si on vous propose un angle narratif différent ou des précisions dans ce paragraphe, ne les acceptez que si elles vous paraissent compatible avec votre écriture.

C'est là que commence à se forger le fameux "style" de l'auteur dont tout le monde vous parle. Tout ce que vous serez capable de justifier sur un plan narratif ou syntaxique représente votre plume, vous définit en tant qu'auteur. Au fil de vos écrits, vous allez développer votre propre musique, vos propres "recettes de cuisine". C'est l'un des aspects les plus passionnants de l'écriture. La routine ne peut jamais vraiment exister pour un auteur qui s'investit dans ce qu'il produit, il sera toujours en train de cogiter sur une façon de séduire ou surprendre son lecteur. Son style mûrira, et chaque texte qu'il signera prendra la valeur de l'unique.  Je me répète, chaque auteur est pluri-spécialisé, et si un jour vous devenez un écrivain reconnu, votre lecteur n'attendra pas vraiment de vous une histoire originale ou une narration hors du commun : il saura ce qu'il aime dans vos livres, et il le recherchera dans chacune de vos oeuvres. La vérité, c'est que votre style est une drogue dure pour votre lecteur. Voilà pourquoi les pseudonymes existent : ils permettent à l'auteur de varier les plaisirs sans décevoir son lectorat.
Dans le prochain article, nous parlerons de la "chouffe" et du "grisbi de l'auteur"...

Viendra enfin le jour où vous serez capable de présenter un texte dont vous serez prêt à assumer la moindre qualité et les plus grands défauts. Ce jour-là, vous serez peut-être prêt pour vous lancer dans le grand bain et tenter l'édition.

Pour conclure cet article, un petit mot sur le plagiat :

Ils sont partout, ils vous surveillent...

Beaucoup de jeunes auteurs sont convaincus de posséder une idée tellement unique qu'ils redoutent de la soumettre au circuit éditorial. Ils s'isolent chez eux, cachent leur manuscrit, perdent des cheveux et se mettent à grogner "mon préééciiiieuuuux" quand un autre auteur approche. Après ce que je viens de vous expliquer, vous comprendrez sans doute pourquoi cette inquiétude est sans objet : ce que beaucoup d'auteurs de fiction refusent de comprendre, c'est que le plus souvent, ce n'est pas tant l'idée supportée par un livre qui le fait vendre, que la façon de la raconter (sauf dans le rayon philosophie ou politique par exemple). Les éditeurs le savent, et s'ils trouvent un auteur capable de charmer 80% de ses lecteurs en leur balançant une romance bateau, ils le préfèreront à quelqu'un qui possède une histoire géniale mais gâchée par une écriture déplorable ou pas assez mûre. De nos jours, les idées vraiment originales sont rares et pas toujours exploitables. Rien ne vous empêche de tenter le coup, mais souvenez-vous qu'un texte de fiction simple, cohérent et bien écrit sera plus souvent choisi qu'un texte trop complexe et pas maîtrisé. L'originalité réside plus dans votre plume que dans votre tête.

Dans le prochain article, nous aborderons vos premiers pas dans le monde éditorial. Vous verrez, c'est marrant.  






3 commentaires:

  1. Merci. Si vous le permettez, je vais m'en servir lors des atelier d'écriture que j'essaie modestement d'animer.

    Christian

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